Lucie Quach

- Consultant senior -

« Je trouve dommage que l’on ait à défendre la pédagogie Steiner. Est-ce que l’on s’interroge sur les méfaits de la pédagogie « classique » utilisée dans la majorité des écoles ? Et l’endoctrinement des enfants dans la croyance que seule la connaissance ait de la valeur en oubliant de développer leur ‘vivre ensemble’, leur conscience d’eux-mêmes, des autres, où l’entraide n’a pas de place, car ça dérange la classe ?

Je me permets de ne pas développer sur les écoles dont l’essence consiste à renforcer chez les enfants la croyance en un être tout puissant, omniprésent et omniscient. Pour parler de notre choix et de notre famille : nous sommes des parents athéistes, âgés de 40 ans, nous avons tous les deux fait des études longues, exclusivement dans le secteur public et nous tenions beaucoup à ce que nos enfants puissent aller dans l’école publique également et c’est ce qui s’est passé pendant quatre ans. Les deux enfants qui ont suivi cette scolarité l’on fait avec de la réussite, de bons résultats sur tous les plans. Le troisième est allé dans un jardin d’enfant pour maternelle (par une école Steiner mais une école où on prône la pédagogie ‘active’ visant l’autonomie de l’enfant, l’apprentissage à son rythme. Il est devenu très… lui-même au fur et à mesure. Et nous nous demandions comment lui faire suivre cette voix et la proposer aux plus grands.

Nous avons pris la décision d’amener nos trois enfants (1ère, 4e et 5e classes) dans l’école Steiner car nous avons voulu leur offrir un apprentissage plus riche, plus large. Au-delà des matières principales, donner plus de place à l’art, aux activités manuelles qui contribuent d’une façon spectaculaire au développement du cerveau, à l’apprentissage des langues différent (allemand dès la première classe de façon très immersive par exemple), mais aussi un parcours qui peut les amener jusqu’au lycée. Nous nous sommes renseignés sur l’école et la pédagogie et avons effectivement lu le blog de Mr Perra avec attention. Nous l’avons pris en compte. Néanmoins nous n’avons pas l’habitude de ‘croire sur parole’, alors nous regardons, nous discutons avec nos enfants, avec les professeurs, et le bilan que l’on peut faire de cette année, c’est : Pourquoi on n’a pas eu connaissance de la pédagogie avant ? Cela aurait pu éviter à un des enfants d’écouter qu’il n’était pas sage quand il parlait en classe au CP et devoir l’écrire vingt fois comme dans les années 50 à titre d’exemple.

Les trois enfants adorent école, ils n’ont pas envie de vacances. Notre fille en 5e a ‘fleuri’ sous nos yeux, elle est comme un poisson dans l’eau. Outre l’apprentissage, elle habite l’espace très différemment, elle crée des initiatives dans la classe, elle ose, elle essaie, elle n’a jamais fait de l’allemand auparavant et grâce à la dynamique créée par la professeure, et la bienveillance de la classe, elle n’a jamais douté de sa capacité à rattraper les quatre ans, et elle l’a fait. Notre enfant de 4e aime apprendre en écrivant son manuel lui- même, en construisant la connaissance avec ses amis à travers les jeux, il a aussi rattrapé l’avance de ses copains en allemand et anglais, le tout avec facilité et joie qui caractérise sa classe. Je pense que si je devais décrire en un mot l’école Steiner, j’aurais utilisé celui-là : la joie. C’est incroyable avec quel plaisir, bienveillance, amour, investissement on perçoit tous les jours.

C’était encore plus évident pendant le confinement où les professeurs prenaient le temps d’appeler les enfants à la maison, à l’occasion. Pour que je ne l’oublie pas, notre plus jeune aime aller à l’école (ça a l’air évident, mais il y en a tellement pour qui ce n’est pas le cas dans les familles que l’on connait.) L’apprentissage pour lui comme pour ses frères et sœurs est une aventure quotidienne, avec des surprises, des contes de fée, du concret. « On touche les lettres, les chiffres par exemple ». Alors peut-être que l’on a une chance inouïe, peut être que l’on n’est qu’une exception, mais nous sommes sûrs que nous sommes heureux dans cette école, avec cette pédagogie et que l’on continuera à y aller. Je me permets de demander à la France de regarder et remettre en question son système d’apprentissage majoritaire qui me semble être inhibant, voire destructeur pour nos enfants. J’invite des personnes qui ont envie de s’attaquer à l’École à chercher les raisons pour lesquelles notre apprentissage recule dans tous les classements plutôt que chercher un supposé endoctrinement dans la pédagogie Steiner. Nos enfants et nous-mêmes sommes des esprits libres et comptons bien le cultiver. »