Claire Duhameau

Enseignante dans l'éducation nationale

« Je suis mère de deux enfants de 12 et 14 ans, scolarisés depuis respectivement la 2ème année du jardin d’enfants et la 1ère classe (de primaire) dans une école Steiner (d’abord à Saint-Genis-Laval puis à Strasbourg). Je suis moi-même enseignante dans le second degré dans l’éducation nationale et m’intéresse de près à la pédagogie.

Avant de scolariser mes enfants dans cette école je me suis longuement renseignée à travers des livres, des articles sur internet et des lectures de Rudolf Steiner. D’abord alarmée par le nombre d’articles (des centaines !) sur internet mettant en garde contre ces écoles, je me suis vite aperçue que tous émanaient d’une seule et même personne et suis donc consternée de voir que beaucoup de médias continuent à interviewer et à citer cette unique personne.

La pédagogie Waldorf, comme toutes les pédagogies, n’est pas parfaite, mais elle permet selon moi aux enfants et aux adolescents d’acquérir des connaissances, des savoir-faire et des savoir-être précieux. Tout d’abord elle permet aux enfants de conserver toute leur curiosité et leur émerveillement face à la nature. Elle cultive le beau (le beau dessin, la belle parole, le beau geste) et le vrai (matériaux naturels vs plastique, instruments de musique vs enregistrements, spectacle vivant vs vidéos). La curiosité et la capacité à s’émerveiller sont deux puissants moteurs de la motivation à apprendre.

Grâce à une connaissance fine des phases du développement de l’enfant, ils ne sont jamais surchargés cognitivement, ne sont pas stressés par des exigences de vitesse, ne sont pas mis en compétition les uns avec les autres. L’organisation des apprentissages en « périodes » permet d’approfondir les sujets traités et favorisent un apprentissage transversal qui a du sens. J’apprécie (et mes enfants aussi) également la présence forte d’activités manuelles et artistiques car nous sommes aussi des corps, pas uniquement des esprits.

Je vois mes enfants développer des compétences essentielles dans le monde actuel : la capacité à s’adapter, s’interroger, se mobiliser ; ils apprennent la solidarité, l’autonomie. Grâce à de nombreux exposés et spectacles auxquels ils participent, ils prennent la parole en public sans peur. Ils savent apprécier le travail de qualité (un beau pull tricoté main par exemple) car ils ont eux-mêmes expérimenté le travail, l’application, la persévérance nécessaires pour arriver à ce résultat.

De plus, tous les enseignants que j’ai pu rencontrer dans les écoles Steiner sont incroyablement investis, dynamiques, enthousiastes, ils ne comptent pas leurs heures et se préoccupent du bien-être de chaque enfant.

Il me semble que ce qui fait peur en France dans les écoles Waldorf, c’est un côté « spirituel » mal compris. Mais n’avons-nous pas aussi une dimension spirituelle à cultiver ? Beaucoup d’activités sont symboliques et détachées de la religion, même si elles se rapportent à des fêtes religieuses (elles-mêmes d’origine païenne) : à la Saint Michel les élèves partent en forêt, s’adonnent à des épreuves (ludiques) pour combattre les « forces du mal » ; à la Saint Martin, ils fabriquent des lampions pour garder avec eux une lumière dans l’obscurité de l’hiver ; lors de l’Avent ils se recueillent dans une spirale faisant circuler une lumière de bienveillance ; au printemps on fête le renouveau de la vie, les récoltes à venir ? Rien d’occulte là-dedans, juste une expression d’une humanité dont les préoccupations profondes n’ont pas beaucoup changé depuis des millénaires.

En résumé les écoles Waldorf me paraissent éminemment modernes, et répondent à nos préoccupations actuelles et de tous temps : vivre en bonne harmonie avec soi-même et avec les autres, dans le respect de la nature. Découvrir ses réelles aspirations, former une communauté bienveillante, éduquer des citoyens capables d’agir et de penser par eux-mêmes. »