4 janvier 2023 - France 2 - 20h : Un cas d’école… de journalisme

‌Suite au reportage de France 2 au 20h du 3 novembre 2022, nous avons rédigé le droit de réponse ci-dessous, que France 2 a refusé de diffuser.

Ce texte est d’ailleurs destiné en partie aux étudiants en journalisme.

Toutes les écoles de journalisme devraient étudier ce sujet contre les écoles Steiner-Waldorf. Car TOUT ce qu’il ne faut pas faire pour devenir un bon journaliste est dedans. Et pourtant, ce reportage, tissu de mensonges, d’amalgames et de sous-entendus odieux, a été diffusé rien moins que dans le journal de 20 heures de France 2. Une honte !

Tout d’abord, Anne-Sophie Lapix, en « ouverture » du journal, informe ses quelques 6 millions de téléspectateurs que : « L’œil du 20 heures s’intéressera aux écoles Steiner, qui sortent des clous de l’Éducation nationale. », rien que ça. Puis, elle ajoute fièrement : « Ça sera l’enquête du 20 heures ». Tu parles d’une enquête ! Le téléspectateur est bien prévenu, il ne s’agit pas d’écoles qui s’inspireraient librement de la pédagogie Steiner-Waldorf, et de façon affranchie. Non, non, c’est bien un reportage SUR les écoles Steiner. Et il ne s’agit pas là non plus d’un petit sujet de rien du tout, il s’agit d’une enquête.

Pourtant, dans sa tentative de réponse argumentée, suite à notre demande de droit de réponse, la Directrice juridique de France 2 nous indique qu’il s’agit d’un « reportage consacré aux écoles hors contrat, dont certaines sont affiliées à la Fondation Steiner ». Outre que cette « Fondation Steiner » n’existe pas (sauf peut-être dans leurs fantasmes), jamais le nom d’une autre pédagogie alternative n’est cité dans ce reportage. Quelle rigueur, Madame la directrice juridique !

Aussi, le sujet commence par cette phrase : « Rien qu’en cette rentrée scolaire, 172 écoles hors contrat ont ouvert leurs portes en France ».  « Oubliant » de préciser – alors même qu’il s’agit véritablement d’un sujet sur les écoles Steiner-Waldorf – qu’aucune de ces 172 nouvelles écoles n’est issue de cette pédagogie. (Prenez note, chers, étudiants en journalisme, car ce n’est qu’un début !)

Ensuite, tout est à l’avenant pendant les 4 minutes 48 secondes que dure ce sujet !

Pour crédibiliser son propos, la « journaliste » fait appel à un témoin « de l’intérieur » (c’est très important, chers étudiants, les témoignages « de l’intérieur »). Mais à qui fait-elle appel pour ce témoignage ? À une directrice d’école qui n’est pas formée à la pédagogie Steiner-Waldorf, dont l’école n’est pas labellisée Steiner-Waldorf, et dont le processus de labellisation n’est pas même en cours. On croit rêver ! En présentant cette école, « l’école buissonnière », la « journaliste » ne peut se retenir de faire ce qu’elle croit être un bon mot – mais qui va surtout souligner ses a priori – en ironisant : « l’établissement porte bien son nom ! ». (Attention, chers étudiants, l’humour « pourri » pourrait vite se retourner contre vous…). Vous pourrez lire notre argumentaire détaillé dans nos courriers adressés à France 2 (ci-dessous).

Puis, la « journaliste » se gargarise des propos de la directrice, lorsque celle-ci dit « …savoir compter jusqu’à 30, les valeurs de la République, […] ce n’est pas forcément quelque chose qui est nécessaire à cet âge… ».  Alors, même si c’est maladroit de dire une chose pareille, il faut remettre cela dans son contexte. Tout d’abord, les propos de la directrice sont montés cut, s’arrêtant en plein milieu de sa phrase, pour ne conserver que ce qui va dans le sens de l’idée préconçue de la « journaliste », c’est-à-dire : les écoles Steiner-Waldorf s’évertuent à former de futurs petits révolutionnaires analphabètes. Sans doute cette directrice disait-elle – dans la même phrase – que le temps viendra bien assez vite pour leur parler citoyenneté et République. Ces petits enfants n’ont alors que… 3 ans ! Or, dans la plupart des écoles Steiner-Waldorf labellisées, les élèves participent aux conseils municipaux des jeunes proposés par certaines municipalités. On est bien loin de l’image « hors du monde » que nombre de nos détracteurs – dont cette « journaliste » – voudraient nous coller.

Puis vient ensuite le comble du mauvais goût journalistique lorsque, soi-disant pour parler de Rudolf Steiner, Mme Subra-Gomez dégaine des images d’archives d’un autre siècle, en noir et blanc, montrant un groupe d’élèves tournant en rond dans des toges blanches, façon secte du temple solaire… Effet anxiogène garanti. Mais quel procédé journalistique ! (À éviter, chers étudiants, tant la ficelle est grosse). Mais lorsque je demandais à la « journaliste » pourquoi elle usait d’un tel procédé, elle me répondait : « Non, y’a pas de procédé », justifiant l’utilité de ces images du fait qu’elles permettraient « de remettre en perspective de qui l’on parle » dans la mesure où c’est à l’intention du « téléspectateur lambda qui regarde en train de manger ». Quel respect pour leurs téléspectateurs !

Ensuite, second « témoin », tatata… !  (Parce que vous apprendrez à l’école de journalisme, qu’un seul témoin, fusse-t-il aussi incontestable que cette directrice d’école, c’est un peu court pour flinguer une pédagogie d’un siècle d’existence et qui existe sur tous les continents du globe). Il s’agit, tenez-vous bien, d’une mère d’un enfant qui a été gardé dans une micro crèche Steiner-Waldorf, il y a des années… Waouh ! Notre journaliste nous indique, sans sourciller, que cette soi-disant Laurence (car il s’agit plutôt d’une Marianne, témoin fétiche de M. Perra qu’il « place » et « replace ») « scolarisé son fils dans cette crèche » ! Depuis quand scolarise-t-on un enfant dans une crèche ? Mais bien sûr, si l’on veut attaquer une école, on est bien obligé de parler de scolarité, même si c’est un pur mensonge. (Chers étudiants, apprenez à travers ce sujet que : « mentir, ce n’est pas bien ! »). Pourtant, cette indécence sémantique passe « comme une lettre à la poste » grâce à la duplicité du message. Ainsi, le mal est fait car cela infuse chez le téléspectateur (lambda, donc qui regarde en train de manger).

Puis vient le point de vue institutionnel… (Très important, chers étudiants, le point de vue institutionnel, ça crédibilise tout, ou presque !) Le rapport de la Miviludes (mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires) vient confirmer le « fonctionnement opaque des écoles Steiner », alors même que tout ce qui se fait dans une école Steiner-Waldorf est précisé sur le site de la Fondation Steiner, pardon, de la Fédération des écoles Steiner-Waldorf.

Rien d’opaque, tout est expliqué, de l’origine de la pédagogie à son application pratique dans les écoles. En revanche, question opacité, la Miviludes n’est pas en reste ! Et sa méthodologie est une pure aberration. Elle fait de ses saisines l’alpha et l’oméga de son objectivation des mouvements sectaires (pourquoi pas ?), mais dans le même temps, de façon scandaleusement contradictoire avec son « baromètre », la Miviludes est pro-active pour inciter les citoyens à venir la saisir concernant l’anthroposophie. Et le tour est joué…

Tout cela, dans un contexte où M. Perra a son rond de serviette dans cette institution, et ne cesse de tweeter, retweeter, et reretweeter ses élucubrations invraisemblables, que reprennent, hélas « comme un seul homme », certains « journalistes » au professionnalisme et à la rigueur intellectuelle aussi déplorables que ceux de Mme Subra-Gomez – on l’a vu – qui a commis cet « Œil du 20 heures ».

Enfin, dans cette grande enquête, cerise sur le gâteux, vient le témoignage de ce formidable autoproclamé lanceur d’alerte, introduit par un pompeux : « Rares sont ceux qui racontent les écoles Steiner de l’intérieur » (attention, chers étudiants, n’en faites pas trop sur votre futur témoin, surtout quand la vraie nature de celui-ci est finalement bien loin des critères de respectabilité…).

Suivi par un non moins pompeux : « Il a accepté de nous rencontrer », bien sûr, il n’attend que ça ! Ce sombre personnage egocentré, paradoxalement adore être sous la lumière… Toujours prêt à raconter n’importe quelle invraisemblance, notamment à propos des inspections diligentées par les rectorats – vous le lirez – sans que Mme Subra-Gomez n’active une seule seconde son esprit d’analyse. C’est affligeant !

Et lorsque celle-ci dit : « Rares sont ceux qui racontent les écoles Steiner de l’intérieur », pour le coup, elle sait de quoi elle parle. Elle a bien tenté de trouver un autre ancien professeur pour venir appuyer le témoignage de M. Perra (vous vous souvenez, chers étudiants, de la leçon du deuxième témoin qui vient valider le premier ?), mais hélas, rien, le flop ! Mais, lorsque je pointais à la « journaliste » (dans ma longue conversation téléphonique que j’ai eue avec elle) cette invraisemblance de n’avoir qu’un seul professeur « repenti », « sorti de la secte », malgré le nombre de professeurs partis des écoles Steiner-Waldorf depuis plus de dix ans, celle-ci me rétorquait, affirmative : « Non, y’a aussi, son nom m’échappe […] cet autre prof ». En creusant quelques secondes, je découvrais que cette personne n’était autre qu’un professeur qui avait fait un passage éclair dans une école, car congédié en raison de ses propos surréalistes sur sa chaîne personnelle YouTube. L’école en question avait donc « fait le job ».

Devant cette évidence que je rappelais à madame Subra-Gomez, en lui pointant qui elle citait en guise de second professeur, elle me répondait, penaude : « Oui, oui mais je voulais pas spécialement donner… euh… propos à ce… voilà, à ce gars-là. » Je soulignais alors son argumentaire spécieux, à géométrie variable, en lui disant : « Ben oui. Donc, c’est ce que je vous dis. C’est ce qui reste. On trouve pas d’anciens professeurs depuis 10 ans 15 ans […] qui viendraient  abonder en disant « ah oui, ça y est, j’en suis sorti, je vais abonder dans les propos de Perra.“  Il n’y en a pas ! » S’ensuivirent cinq longues secondes de solitude de cette « journaliste »… que vous pouvez goûter ci-dessous dans ce court extrait qui n’a pas été monté :

Or, des témoignages « de l’intérieur » sur les écoles Steiner-Waldorf, contrairement à ce que dit Mme Subra-Gomez, ils ne sont pas difficiles à trouver. L’ANPAPS en a récolté des dizaines et des dizaines. Souvent faits avec le recul d’une vie. Mais, hélas pour elle, ceux-ci penchent toujours du côté positif plutôt que vers ses a priori négatifs.

Aussi, malgré tous ses procédés journalistiques tendant à faire peur aux parents qui scolarisent leurs enfants dans les écoles Steiner-Waldorf, Mme Subra-Gomez a osé me dire que la terminologie « dérive sectaire » « n’est pas un mot auquel on a souscrit pour évoquer cette pédagogie alternative ». Moi, ce qui me fait peur, c’est votre façon de faire du journalisme !

Voici donc le constat factuel, presque clinique, de la mentalité de nos détracteurs, parfois détraqués, souvent anonymes, qui vont – contre toute évidence – continuer à s’acharner contre la pédagogie Steiner-Waldorf. Alors que le simple respect des différences, le respect des opinions divergentes devraient conduire n’importe quel être normalement constitué à laisser en paix les parents qui font un libre choix pédagogique pour leurs enfants.

 

Nicolas Tavernier
Président de l’ANPAPS