Mai 2021 - Demande de droit de réponse à Charlie Hebdo suite à l’article de L. Daussy sur l’école Steiner-Waldorf de Bagnières-de-Bigorre

« Choquée par tant d’approximations dans le reportage de Laure Daussy sur l’école Steiner-Waldorf de Bagnères-de-Bigorre, l’équipe de l’ANPAPS a réagi auprès de la rédaction de Charlie Hebdo. Sans réponse de celle-ci pendant deux semaines, l’ANPAPS l’a relancée. Ce n’est qu’après l’avoir piquée au vif par notre question : « Charlie, es-tu toujours Charlie ? » qu’une personne de la rédaction a daigné nous répondre. Cette réponse est totalement hors sujet, vous la lirez. Cela en dit long sur le triste niveau journalistique qui a présidé au traitement de ce sujet… »

 Charlie Hebdo : Le droit de réponse auquel vous avez échappé ! 

Le 8 juin 2021, demande de droit de réponse de l’ANPAPS (Association Nationale pour la Promotion et l’Avenir de la Pédagogie Steiner-Waldorf) à Charlie Hebdo, suite à l’article stupide de L. Daussy sur l’école Steiner de Bagnières-de-Bigorre, paru le 26 mai 2021 : 

Cher Charlie, 

Je t’écris pour te demander la publication de ce droit de réponse, suite à l’article « approximatif » (le mot est faible) de Laure Daussy, intitulé : École Steiner, ésotérisme en Hautes-Pyrénées. 

Et tout d’abord, pour lever toute ambiguïté, je tiens à préciser que je suis toujours « Charlie », évidemment… Mais, comme je pourrais le dire à un copain qui se fourvoie : « Là, Charlie, tu déconnes ! » Et c’est parce que ce sujet se trouve dans votre rubrique « Charlie Reporter » (avec un grand R) que je suis choqué. Il s’agirait donc là d’un « reportage » ? Avec toute la rigueur journalistique à laquelle on pourrait s’attendre ?… Ce même papier ne m’aurait pas choqué s’il s’était agi d’un édito ou d’une tribune, d’une prise de position « à charge » contre ces écoles. La liberté d’expression : c’est sacré ! mais il est inacceptable de lire tant d’approximations dans un « reportage ». 

Tout y est fait pour baigner le lecteur dans une ambiance malsaine et le conduire de ce fait à une réaction naturelle de rejet de ces écoles. Ambiance qui trouve sa source dans des anecdotes extérieures à la pédagogie Steiner et à une sémantique particulièrement accusatrice : « envahissement d’adeptes de l’anthroposophie », « risque de maltraitance et de dérives sectaires » … Cette terminologie laisse peu de place aux lecteurs pour se faire son propre avis sur cette pédagogie alternative. Aussi, j’invite votre « journaliste » ainsi que tous vos lecteurs à aller consulter sur notre site (APAPS.fr) la centaine de témoignages d’anciens élèves, souvent écrits avec le recul d’une vie, et n’ayant aucun lien avec l’anthroposophie. Vous y lirez les expériences « d’usagers » de cette pédagogie et découvrirez sans doute qu’elle est beaucoup moins caricaturale que celle que vous souhaitez montrer à vos lecteurs. Vous citez sans sourciller (ni vérifier) les dires de Grégoire Perra, autoproclamé « lanceur d’alerte » sur ces écoles. Mais c’est oublier un peu vite que cet ancien professeur a été évincé de son poste pour agression sexuelle sur l’une de ses élèves mineures, et qu’il voue depuis ce jour une haine farouche envers ses anciens collègues. Entre nous, mon Charlie, cela me fait doucement marrer que ce soit toi, grand défenseur du féminisme, qui relaie les propos d’un tel agresseur, qui a écrit à sa victime pour tenter d’étouffer l’affaire : « Je suis malade. Je pense avoir une profonde névrose ». N’arrivant pas à ses fins, Monsieur Perra a ensuite tenté, sans le moindre scrupule, de rejeter la responsabilité de ses actes sur la jeune fille, en relatant l’histoire ainsi : « A mon arrivée, … une jeune fille se précipita vers moi. Elle était habillée dans une sorte de robe de soirée moulante et ultra sexy qui ne descendait pas plus haut que la naissance de ses cuisses. » Elégant, non ? 

Soyons sérieux un instant… Dans cet article, Laure Daussy amalgame tant « d’ingrédients » extérieurs à la pédagogie Steiner que la recette en devient dégueulasse. Elle ose relater l’envoi d’une lettre anonyme au maire de la ville, qui lui-même se demande si c’est une « vraie lettre » ! C’est le journalisme du corbeau et de la rumeur… Et avant, pour bien préparer le lecteur, elle relate avoir croisé, tenez-vous bien, « sur le marché de la ville », un « happening d’un groupe de « masques blancs » qui milite contre le port du masque, avec des propos totalement complotistes », sans dire dans son papier s’il y a ou non des professeurs de l’école dans ce groupe. Seul le dessin relatant cette scène indique : « certains parents d’élèves… font partie de ce mouvement ». Quelle info ! Sans aucun doute, les pédagogies alternatives, et la pédagogie Steiner notamment, sont un « réceptacle » plus naturel de personnes qui se questionnent sur l’avenir de notre société, sur les voies et chemins à suivre pour tenter de la rendre plus solidaire et plus respectueuse de notre environnement, proche ou lointain. Et bien sûr, parmi ces personnes en recherche, vous trouverez toujours quelques « dingos » qui se veulent totalement en marge de notre monde. Ces personnes indiquent-elles quelque chose sur la pédagogie Steiner ? Mettre en gros plan le dessin de l’une de ces personnes étrange, masquée, en tête d’article, relève là encore de l’artifice. Sauf à penser qu’il serait honnête de publier en gros plan la tête d’un suprémaciste blanc de Charlottesville, chapeauté de l’horrible capirotte du Klu Klux Klan, pour évoquer l’école publique de l’Arkansas, au prétexte qu’il y aurait quelques parents odieusement racistes dans ces écoles. Charlie, tu divagues… 

Aussi, la « journaliste » indique que « cette situation n’est pas sans conséquences sur l’école publique… qui par manque d’élèves » va perdre une classe. Conséquences ! N’est-ce pas plutôt à cause d’une école publique qui parfois peine à répondre aux attentes des élèves et des parents que ceux-ci se tournent de plus en plus vers les pédagogies alternatives ? Ne connaissez-vous pas les chiffres terribles des drames du harcèlement scolaire qui se jouent dans nos écoles publiques ? Bien trop souvent par des élèves harceleurs identifiés, récidivistes, et dénoncés vainement par des parents d’enfants harcelés, démunis face à l’inertie coupable de certaines écoles publiques ? Madame Daussy ose parler de maltraitance dans les écoles Steiner. Laquelle ? Où ? Quand ? Précisément ? 

Quant au coût de la scolarité évoqué, votre « reporter » omet un peu vite qu’un quotient familial est pris en compte dans cette école, par solidarité pour les parents moins aisés. 

Les plus honnêtes d’entre vous qui auront parcouru la centaine de témoignages d’anciens élèves découvriront combien cette pédagogie est bienveillante et émancipatrice. Elle développe chez l’enfant le libre arbitre, l’esprit critique, tout l’inverse recherché par une secte. 

A ce propos : ces supposées dérives sectaires… Lorsque vous interrogez la Miviludes à ce sujet, concernant les écoles Steiner, elle vous répond : « Il n’y a pas de cas avérés de dérives sectaires dans les écoles Steiner ». Ah bon ? Parce que des cas non avérés, il y en a ?… 

Vous pouvez sans problème ne pas aimer ces écoles. Personne ne vous oblige à y scolariser vos enfants. Et ceux qui l’ont fait et qui voudraient les y en retirer, peuvent le faire à tout moment, ce que ne permet pas une secte, croyez-moi. Lorsque ma mère, Janine Tavernier, présidait l’Unadfi (l’union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes), j’ai vu défiler chez moi nombre d’adeptes ou ex-adeptes de sectes, fracassés par des organisations pyramidales telles que la Scientologie, le Mandarom, les Témoins de Jéhovah, … qui ont encore pignon sur rue. Mais c’est vrai qu’il n’est nul besoin de courage à un journaliste pour hurler avec les loups devant les grilles des écoles Steiner contrairement à celui requis pour s’attaquer aux puissantes sectes implantées en France dont les dégâts sont toujours considérables. Plutôt que de crier au loup, Charlie, pourquoi ne pas t’attaquer aux véritables sectes ? 

Cher Charlie, ce n’est pas avec ce reportage que votre « journaliste » décrochera le prix Albert-Londres. À la lire, sans doute s’est-il retourné dans sa tombe… Mais soyez sans crainte pour lui, après tant d’âneries non vérifiées publiées par vos confrères, probablement l’avez-vous remis à l’endroit ! 

Enfin, sachez que si vous souhaitiez en savoir plus sur cette pédagogie, je me tiens -ainsi que les membres de mon bureau- à votre disposition pour échanger et vous apporter toutes les réponses aux questions qui seraient restées en suspens. 

Sincèrement, 

Nicolas Tavernier 

Président de l’ANPAPS 

(Association Nationale pour la Promotion 

et l’Avenir de la Pédagogie Steiner) 

P.-S. : Je tiens à la disposition de la rédaction les éléments de preuve qui confirment les citations de Monsieur Perra. (Il n’y avait pas de possibilité de vous les adresser en pièces-jointes). 

Sans réponse de Charlie… l’ANPAPS le relance le 21 juin 2021 : 

Bonjour Charlie, 

Je suis très étonné de ne pas avoir de réponse de ta part… Es-tu toujours Charlie ? Il me semble qu’en des temps pas si lointains, tu étais toujours disposé au dialogue, voire à la controverse, mais au dialogue tout de même… Ton silence est d’autant plus choquant que l’on parle ici d’un sujet crucial : l’Éducation, avec tous les enjeux de société que cela implique. Que tu ne sois pas prêt à entendre un autre point de vue, beaucoup moins caricatural, beaucoup plus documenté et rigoureux que celui de ta « journaliste » est navrant. Et désolé, au regard de son sujet sur cette école Steiner, je ne peux vraiment pas m’empêcher de lui accoler des guillemets. Il semblerait d’ailleurs (d’après mes sources) qu’au sein de ta rédaction, tous les journalistes n’étaient pas en accord avec le traitement de ce sujet. Un dernier point, c’est le cas de le dire… Même le réactionnaire magazine Le Point a eu l’honnêteté intellectuelle de publier une sorte de « droit de réponse » à l’interview délirante de l’abuseur (sexuel et textuel) Grégoire Perra, « fournisseur officiel » de ta rédactrice, appelons-la ainsi. Si toi aussi tu deviens main stream et peu rigoureux -comme la très large majorité de la presse française- à terme, tu n’auras que ta triste manne pour envisager les années à venir… Wake up Charlie, et fais-moi signe au réveil ! 

Nicolas Tavernier 

Président de l’ANPAPS 

Moins de 3 heures après cette relance, piquée au vif, Marika Bret, la DRH (Dame Réellement Hautaine) répond enfin… mais fait un « hors sujet » : 

Bonjour, à votre question de savoir « si Charlie est Charlie », la réponse ne vous échappe pas. Laure Daussy est journaliste et des avis affirmant le contraire ne modifient aucunement sa qualité professionnelle. Cet article vous a déplu, nous l’avons bien compris. D’autres opinions diffèrent de la vôtre. Vous le savez puisque vous nous lisez, les auteurs Charlie s’expriment librement, accords et désaccords, y compris entre eux. Le ‘ d’après vos sources’ ne l’ignore certainement pas. 

Quant à la triste manne, telle que vous la nommez, sachez que nous aurions tellement aimé qu’elle n’existe pas pour les raisons que vous connaissez. Puisqu’il faut le rappeler, elle sert à assurer les meilleures conditions de travail, et surtout en toute sécurité, ce qui fort heureusement n’est pas le cas pour aucun autre média en France. 

Cordialement, 

Marika Bret- Charlie hebdo – Editions Rotative – BP 50 311 – 75 625 Paris cedex 13 

Réponse de l’ANPAPS, le 22 juin 2021 : 

Bonjour Madame, 

Merci d’avoir pris le temps de me répondre. Pour autant, et désolé de vous le dire ainsi, je trouve votre réponse affligeante de vacuité, et tellement corporatiste… Aucun argument sur le fond ! Alors, vous répondez sur la forme. Quel niveau journalistique, décidément ! Le fond étant toutes les approximations, exagérations, déformations écrites par votre « journaliste », et que j’avais pointées dans mon premier e-mail. 

Que « d’autres opinions diffèrent de la mienne » existent : non seulement cela ne me gêne pas, mais en plus, cela me réconforte. C’est évidemment dans la critique constructive et dans la confrontation des idées que l’on peut évoluer, corriger ses erreurs et s’enrichir mutuellement. Mais pour cela, il faut tout de même partir sur des bases d’honnêteté intellectuelle, ce qui n’est vraiment pas le cas dans ce reportage, je vous l’assure. 

Et hélas, contrairement à la réponse que vous faites à ma place, la question de savoir si Charlie est toujours Charlie m’échappe réellement, et c’est bien triste. 

Mais si Charlie était toujours Charlie, alors nous serions prêts à l’accueillir prochainement dans l’une des écoles franciliennes afin qu’il se fasse un avis plus proche de la réalité. Il découvrirait une pédagogie, certes bien différente du modèle national, sans doute imparfaite, mais tellement bienveillante et épanouissante… 

Et je compte sur votre professionnalisme pour partager tous nos échanges avec la rédaction, car c’est bien à l’ensemble des journalistes qu’ils étaient adressés. 

Bien cordialement, 

Nicolas Tavernier 

Président de l’ANPAPS 

Et là… silence radio ! Elle est pas belle, notre presse ?